Théranostic de l’athérosclérose à l’aide d’anticorps humains
Axe de recherche dirigé par Marie-Josée JACOBIN-VALAT

CONTEXTE :
Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de décès dans le monde (3,9 millions de décès par an en Europe). Pourtant, le risque de rupture des plaques athéromateuses et les processus sous-jacents à ces événements thrombotiques ne peuvent pas être correctement évalués par les approches d’imagerie actuelles. Nous envisageons un changement radical dans la gestion de l’athérosclérose par une technologie d’imagerie qui permettra un diagnostic précis des patients à risque de maladies cardiovasculaires (MCV) à savoir une stratification personnalisée et une immunothérapie adaptée. L’objectif de notre projet est de discriminer les phénotypes « à risque de rupture » et « stable » des plaques d’athérome. Pour ce faire, nous avons sélectionné des anticorps humains (AcHs) ciblant l’athérosclérose par phage-display in vivo et des méthodes de couplage « site-spécifique » des AcHs pour proposer des bioradiotraceurs spécifiques pour une imagerie multi-isotopique TEP/ IRM. Les informations recueillies fourniront des données anatomiques, compositionnelles, hémodynamiques et fonctionnelles sans précédent pour la stratification du risque de MCV chez les patients. Par ailleurs, bien que l’utilisation des anticorps se soit révélée prometteuse pour le contrôle systémique de récepteurs de lipoprotéines ou de cytokines pro-inflammatoires dans le domaine thérapeutique, la méconnaissance des effets à long terme rend nécessaire une nouvelle biothérapie ciblée et adaptée au patient.

AXES DE RECHERCHE :
- Identification de nouveaux biomarqueurs de l’athérosclérose par phage-display
L’originalité de notre approche repose sur la sélection première des anticorps (Acs), qui est réalisée in vivo dans un modèle animal de l’athérosclérose. Contrairement aux sélections classiques in vitro sur antigènes purifiés ou recombinants conduisant souvent in fine à des Acs non réactifs in vivo, notre modèle original de phage display garantit leur fonctionnalité in vivo pour un transfert amélioré vers la clinique. La nature entièrement humaine des Acs sélectionnés (AcHs) est aussi un atout pour des injections futures chez l’homme de par leur immunogénicité plus faible si on les compare aux Acs développés chez les rongeurs ou les camélidés (Hémadou et al. Frontiers Immunol 2017; Scientific Rep 2018; Deramchia et al., Am J Pathol 2012; IJMS 2012). Nous disposons à l’heure actuelle d’un large panel d’AcHs sélectionnés in vivo (auxquels viendront se rajouter les AcHs discriminant les sous populations de macrophages de l’Axe 2 ( Florence Ottones)). Parmi ces AcHs, une dizaine présente une réactivité croisée élevée inter-espèces, caractérisée sur des coupes athéromateuses issues de modèles précliniques et de biopsies humaines. Ces résultats démontrent ainsi sans conteste l’intérêt de ces AcHs pour le développement d’outils de diagnostic et de thérapie de la pré-clinique (sur les modèles animaux) vers la clinique.
L’autre originalité de notre approche par phage display in vivo est liée au fait que la sélection s’opère sans idée préconçue des biomarqueurs ciblés, contribuant ainsi à la découverte de biomarqueurs jamais mentionnés auparavant pour leur intérêt dans l’athérosclérose. Leur identification a été conduite par le passé par des méthodes classiques d’immunoprécipitation combinées à des analyses protéomiques (Deramchia et al, Am J Pathol, 180, 2012 ; JBC, 281, 2006 ; WO2013072438A1; PCT/EP2018/077131). La Galectine3, ciblée par l’AcH P3 (PCT/EP2018/077131) a ainsi été validée par cette approche. Aujourd’hui, disposant d’un grand nombre d’AcHs d’intérêt, nous nous orientons, pour la recherche de biomarqueurs, vers deux approches à haut débit in silico. Une des méthodes, faisant appel à l’intelligence artificielle, est basée sur des prédictions informatiques supportées par des logiciels développés par une spin-off de l’INRAE / CNRS de Tours (MabSilico) avec qui nous avons une collaboration récente. L’autre méthode consiste à analyser des données protéomiques obtenues à partir d’échantillons humains et de lapin (déjà disponibles au sein de notre groupe) afin de mettre en exergue les réseaux et les cibles biologiques préférentielles. Ces données contribueront également à mieux appréhender les mécanismes impliqués dans la pathologie. Enfin, la validation des biomarqueurs se fera par une approche originale à haut débit de microarrays où des puces protéiques dédiées à l’athérosclérose seront construites sur la plateforme Biochip du Toulouse Biotechnology Institute). L’objectif final est de disposer de biomédicaments ciblants et/ou thérapeutiques.
- Couplage des anticorps avec des biotraceurs
Le développement des outils de diagnostic basés sur le couplage de radioisotopes à des AcHs spécifiques de la plaque d’athérome sera réalisée en étroite collaboration avec le Centro Nacional de Investigaciones Cardiovasculares Carlos III (Madrid), dont l’expertise est le développement de bioradiotraceurs TEP avec le 68Ga. L’analyse quantitative des images obtenues sera réalisée par Pie Medical Imaging (Maastricht), entreprise qui développe et commercialise des logiciels pour la quantification d’images médicales cardiovasculaires. Le développement des AcHs sous des formats compatibles pour l’imagerie TEP/IRM sera effectué par la plateforme BACFLY (BCM, Montpellier, Saint Chrystol les Alèz) dont l’expertise est l’ingénierie, la production et la purification des Acs dans des cellules d’insectes. La collaboration avec le service de chirurgie vasculaire du CHU de Bordeaux (Pr Eric DUCASSE), nous permettra également d’obtenir des biopsies de patients pour la validation des biotraceurs obtenus.
Pour le suivi de thérapie ciblée, nous souhaitons étendre l’utilisation de l’IRM, limitée à ce jour à la seule analyse structurale et morphologique, à une imagerie dite moléculaire. L’objectif est de proposer une médecine personnalisée en optimisant la dose thérapeutique grâce à un ciblage des lésions athéromateuses par nos AcHs pour une délivrance de drogues in situ. Ces approches d’étude sont décrites dans le projet européen Pathfinder ABCardionostics (2024-2028) obtenu en avril 2024 regroupant 8 partenaires répartis sur 3 pays (la France, Espagne, Hollande) (lien) .


Dans le cadre de l’imagerie moléculaire, le groupe a déjà exploré le couplage d’AcHs sur des nanoparticules contenant des agents de contraste pour l’IRM tels que des nanoémulsions magnétiques (Prévot et al. Int J Pharm 2017) ou des nanoparticules multimodales (IRM, Fluorescence dans le proche infra-rouge) (Jacobin-Valat et al. Nanomedicine 2015; Larivière et al. Nanomedicine 2019). Les premières investigations précliniques sont réalisées dans le modèle de souris ApoE– /-. Les nouveaux AcHs développés suivront le même processus et les meilleurs candidats seront ensuite évalués dans un autre modèle animal, un modèle de porc transgénique, qui développe des lésions athéromateuses proches de celles de l’homme.
Dans le cadre de la thérapie ciblée, nous avons déjà montré la possibilité d’associer, dans un même nanoobjet, oxydes de fer pour l’IRM et médicaments (nanoparticules solide-lipide (Oumzil et al. Bioconj chem 2016; WO2016170010A1). Afin de diminuer la complexité de la conception du nanosystème, nous souhaitons actuellement développer d’autres nanomatériaux inspirés de la nature, tels que les complexes de lipoprotéines biomimétiques à base d’ApoA1 (connue pour son potentiel athéroprotecteur) qui contiendraient des cristaux d’oxyde de fer recouverts d’acide linoléique (capable d’induire la repolarisation des macrophages vers un phénotype athéroprotecteur). Le couplage, à ces nanoobjets, de plusieurs AcHs ciblant des biomarqueurs spécifiques à la pathologie devrait fournir des tests compagnons diagnostiques et théranostiques, essentiels pour la stratification des patients, pour le suivi longitudinal et pour corréler l’accumulation de médicaments à la réponse thérapeutique (ANR LPCBioMab, 2023-2026)

